Printemps arabe: Le Maroc face au doute

18 Fév

Alors que la toile marocaine regorge d’appels à la manifestation le 20 février, afin de réclamer des réformes politiques et la démission du gouvernement, ce dernier affiche une sérénité sans faille. Le Maroc serait-il à l’abri de la vague révolutionnaire arabe ?

«Le Maroc (…) s’est engagé il y a longtemps dans un processus irréversible de démocratie et d’élargissement des libertés publiques», a affirmé Khalid Naciri, porte-parole du gouvernement et ministre de la communication à l’agence MAP. «Que les citoyens puissent s’exprimer librement ne nous trouble nullement», ajoute-t-il.

Pour le moment, la situation du Maroc reste bien calme par rapport à ses voisins. C’est que la situation est différente, comme l’explique le politologue spécialiste de la région Didier Billion au journal Politis.

En 3 questions, Didier Billion revient sur les révolutions tunisiennes et égyptiennes avant d’aborder les risques de contagion, notamment au Maroc.

De son côté, le journaliste Bernard Guetta émet des doutes quant à la probabilité d’extension au Maroc. Le pays dispose en effet d’une monarchie légitimée par l’histoire et des institutions stables. De plus, depuis son couronnement en 1999, le roi Mohammed VI a mené une libéralisation politique et a misé sur le social. Comme l’affirme le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, Mohammed Ouzzine, « Au Maroc, le roi mène personnellement une révolution contre la pauvreté ».
Si le bilan des politiques sociales menées par le souverain reste difficile à dresser à l’heure actuelle, il n’en reste pas moins que Mohammed VI dispose d’une grande popularité parmi ses sujets.
En 2009, un sondage interdit de publication, indiquait que 91% des personnes interrogées jugeaient le bilan de la première décennie de règne de Mohammed VI positif ou très positif.


Mohammed VI célèbre ses 10 ans de règne et compagnie de son fils et de ses sujets/ Ali Linh

Par ailleurs, la question du Sahara , pour laquelle le pays est en désaccord avec l’Algérie, cristallise les craintes de chaos. L’heure semble plutôt à l’union nationale face à l’ennemi commun. Si bien que pour de nombreux Marocains, si les revendications des organisations contestataires sont légitimes, ce n’est pas le bon moment pour les exprimer. Et risquer de déstabiliser un pouvoir monarchique qui doit rester fort pour rivaliser face à celui de l’Algérie sur cette question.

Anti et pro-manifestation s’affrontent sur la toile

La toile marocaine, comme la Tunisie et l’Egypte avant elle, est actuellement tiraillée par une guerre des appels. Appel à la manifestation le 20 février d’un côté. Appel au calme et au respect du pouvoir en place de l’autre.

Un groupe facebook rassemble déjà plus de 13 000 personnes en faveur du mouvement du 20 février. Tandis que les Marocains opposés à la manifestation de dimanche, même s’ils sont moins unis et organisés, sont eux aussi présents sur le réseau social.

Les sites d’informations libres sont le théâtre de débats vifs.

Mais au Maroc, la bataille entre pro et anti-manifestation ne se cristallise pas autour de la légitimité du roi. Dans un camp comme dans l’autre, personne ne parle de Mohammed VI. Le gouvernement est parfois décrié. Mais ce sont plus des appels à une libéralisation politique et aux avancées sociales qui se font entendre.

 

Appel à la mobilisation le 20 février, circulant sur le web depuis le début de semaine.

Étouffer le feu

Et pourtant, si le Maroc semblait un cas à part dans le monde arabe, certains syndromes touchant ses voisins voient le jour.

Le 10 février dernier, un jeune chômeur se donnait la mort en s’immolant par le feu. Cet homme licencié par l’armée entendait protester contre ses conditions de vie. Avant lui, d’autres personnes avaient tenté de se suicider de la sorte. Les images choquantes de ces tentatives circulent sur la toile.

C’est à une véritable guerre de légitimité que se livrent les pro et anti-manifestation. Les leaders du mouvement de revendication sont les cibles de tentatives de manipulation. Des photos les montrant au bras d’ennemis de la nation ou encore dans des églises cherchent à les faire passer pour des traîtres.

Sur le site Rue89, l’un des leaders du mouvement, qui a notamment lancé l’appel à la mobilisation du 20 février sur facebook, raconte que des policiers sont venus questionner sa mère, chez qui il vit, ainsi que sa concierge. Une façon de lui signifier qu’il est sous surveillance.

Le pouvoir marocain ne se sentirait donc pas totalement à l’abri. Signe ultime de la crainte de montée du mécontentement: Le Premier Ministre, Abbas El Fassi a annoncé mardi dernier, qu’il avait décidé de débloquer 1,4 milliard d’euros pour compenser la hausse des prix des produits de première nécessité. Décision prise à l’issue d’une réunion avec les chefs de partis politiques concernant « le Sahara occidental, les prochaines élections prévues dans un an, et sur les événements récents en Tunisie et en Égypte« , selon les déclarations faites à l’AFP de responsables de ces partis .

Leïla Piazza

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