Tunisie : l’organisation culturelle de l’après Ben Ali

18 Fév

Le monde culturel tunisien a beaucoup souffert en 20 ans de régime Ben Ali. « La censure a étouffé la créativité, l’absence de moyens financiers a démotivé les artistes et rendu impossible la réalisation de certains spectacles ou films », explique Habib Belhedi, producteur de la pièce Amnesia. « Tout le système était contre nous. Pour faire exister des œuvres audacieuses, il fallait être très persévérant, avoir soif de créer et de dénoncer. On répétait comme des nomades, sans salle, sans argent, sans certitude de pouvoir montrer la pièce au public un jour. »

 

 

Amnésia relate justement le départ de Ben Ali et la libération de la censure. Jalila Baccar et Fadhel Jaïbi, les deux auteurs de la pièce, font désormais office de figures de proue de la démocratie tunisienne. Ils ont résisté à la censure pendant des années.

 

Le malaise de la société tunisienne était déjà perceptible, bien avant la chute de Ben Ali, notamment dans les œuvres de certains artistes engagés. La poésie d’Ouled Ahmed prophétise « la révolution de Jasmin » bien avant l’heure. Nouri Bouzid, évoque le désarroi de la jeunesse qui sera à l’origine des premières émeutes  dans Making Of, un film engagé et visionnaire.

 

« On sentait, dans le travail d’artistes-peintres comme Mohamed Ben Slama ou Dali Belkadhi, une très grande ­colère, une frustration qui étaient à l’œuvre dans toute la société », explique le galeriste Lotfi El Hafi, patron de l’espace d’art Mille Feuilles, à La Marsa.

 

Bien avant la révolution, le monde de l’art faisait déjà la sienne. Depuis, les artistes se sont organisés et on définit des axes de développement prioritaires : « Avec d’autres collègues galeristes, nous nous sommes déjà réunis à plusieurs reprises pour coordonner nos revendications », souligne El Hafi.

 

Même au Maroc, les artistes ont mené des réflexions quant à l’avenir de l’industrie culturelle.

 

Leur but ? Développer une véritable économie de la culture. « Jusqu’ici, l’argent n’était pas donné en fonction de critères artistiques. Pour aller au bout de ses projets, il fallait compter sur l’étranger : mon festival n’existe que grâce aux subventions de l’Union européenne », explique Riahi, célèbre chanteur tunisien.

 

Et maintenant ?

En Tunisie, les lieux culturels sont trop concentrés « En dehors des grands centres urbains, la culture est quasi-absente, alors que c’est là que les jeunes ont le plus besoin de nous. Il faut mettre les médias à contribution pour sensibiliser les masses populaires à l’art et à la culture », préconise Wafaa, danseuse. « Quand on entend les slogans des émeutiers, qu’on écoute leurs chansons, on se rend compte à quel point ce peuple est imprégné de poésie et en demande de beauté », analyse le poète Tahar Bekri.

 

Si l’optimisme est désormais de mise dans le monde culturel tunisien, certains appellent tout de même à la vigilance. Des interrogations persistent quant au futur contrôle des médias, à la liberté d’expression et à la place de la culture dans la future société.

 

Antoine Mariaux et Tristan Scohy

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