Vogue la galère : le périple des migrants tunisiens

18 Fév

Ils ont entre vingt et trente ans. On les appelle les « harragas ». Ces migrants tunisiens ont peu d’espoir en l’avenir politique et économique de leur pays. Alors ils prennent le large, sur des embarcations de fortune. Au péril de leur vie.

Entre samedi et dimanche dernier, plus d’un millier de Tunisiens ont afflué vers les côtes italiennes. Sur l’île de Lampedusa, première étape de leur voyage, les autorités italiennes tentent de gérer le flot de ces « vogue la galère ». Ils sont cinq mille immigrants à être arrivés jusqu’ici, avec un seul espoir : trouver un emploi. Et profitent du souffle de liberté apporté par la révolution de Jasmin pour tenter leur chance de l’autre côté de la méditerranée.

Si la route n’est pas si longue, elle n’en demeure pas moins dangereuse. Les barques de fortune où sont entassés les migrants ont aussi fait des victimes. Cinq « harragas »ont trouvé la mort vendredi et trente autres ont disparu aux larges des eaux internationales. Les huit survivants ont accusé les garde côtes tunisiens d’avoir provoqué une collision. Les autorités se sont défendues en affirmant que la barque ne voulait pas répondre aux injonctions des autorités de rebrousser chemin et en tentant de fuir la barque aurait percuté leur vedette.

Une fois arrivés sur l’île de Lampedusa qui compte quelques 5000 habitants, les immigrants tunisiens sont placés dans des hébergements d’urgence. Un centre fermé en 2009 a été rouvert pour l’occasion. D’une capacité de 850 places il accueille actuellement 2200 tunisiens. Les quelque 3000 autres sont répartis dans des centres en Italie (Bari, dans les pouilles, Calabre, Crotone, ..).

« Les autorités tunisiennes ne jouent pas leur rôle de gouvernance »

La situation tendue est une aubaine pour les déçus et les opposants au gouvernement transitoire. Mustapha Ben Jaafar, professeur de médecine et démissionnaire du régime provisoire, est excédé. Il accuse le nouveau pouvoir d’être incapable de maîtriser ces mouvements migratoires. Pour lui, le système sécuritaire est défaillant et les autorités ne jouent pas leur rôle de gouvernance.

Dans ces conditions, la réaction européenne ne l’étonne pas.
En effet, l’Italie a demandé vendredi une aide de dimension européenne pour pouvoir faire face à cet afflux. L’agence européenne Frontex pour la surveillance des frontières a répondu à cet appel. Trente à quarante personnes devront alors être mobilisées ainsi que des navires et des avions. Bruxelles a, pour sa part, lancé une demande de financements auprès des pays membres lundi. Rome réclame 100 millions d’euros à l’U.E.
Pour le spécialiste des dynamiques migratoires autour de la méditerranée, Mehdi Lahlou, le déploiement d’un tel dispositif est inutile. Il considère qu’ « il s’agit d’un flux exceptionnel, liés aux événements récents survenus en Tunisie et non d’une tendance durable ».

 

Lucie Thiery

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