La presse égyptienne : une révolution dans la révolution

18 Fév

Les journaux changent de ton depuis le départ d'Hosni Moubarak

La révolution égyptienne est en marche pour les citoyens mais aussi pour la presse qui tente une révolution dans la révolution. Le ton des journaux a radicalement changé depuis le début des protestations. La mort du journaliste Ahmed Mohamed Mahmoud le 3 février dernier a sans doute été l’évènement qui a emballé la machine de la révolution médiatique. Mais peut-on pour autant désormais parler d’une totale liberté de la presse égyptienne?

Sous le régime d’Hosni  Moubarak la création d’un journal relevait du parcours du combattant, les critiques envers le régime s’avéraient quasiment impossible. 99% des maisons de presse appartenaient au gouvernement, ce qui lui permettait de censurer un journal à tout moment. Malgré la situation , la presse indépendante a réussi à s’imposer dans les kiosques aux côtés de la presse gouvernementale officielle, mais pour elle, difficile de faire face aux quelques 32 articles de loi qui pénalisent les “égarements”. Cette situation a placé l’Egypte au 143ème rang mondial sur 175 pays pour la liberté de la presse en 2011.

A l’aube de la révolution dans le pays, le ton des journaux officiels suivait son cours : l’appel au dialogue était privilégié. « Pendant les 10 premiers jours du mouvement de contestation, la couverture des évènements par les médias égyptiens a été honteuse, dénonce Rasha Abdulla, directrice du programme Journalisme et communication de masse de l’université américaine du Caire,citée par le quotidien américain « The Washington Post » . C’était comme s’ils vivaient sur une autre planète. »

Un vent de liberté souffle sur la presse

La femme de Ahmed Mohamed Mahmoud manifeste le 7 février au Caire

Mais le 3 février dernier, la mort du journaliste Ahmed Mohamed Mahmoud après trois jours passés dans le coma a réveillé la profession. L’épouse du journaliste, témoin direct de l’assassinat de son mari explique les circonstances de sa mort : “Il était à la fenêtre de son bureau qui donne rue Magless el Shaab (Rue de l’Assemblée du Peuple), à proximité du ministère de l’intérieur. Samedi 29 janvier, il a entendu des coups de feu, alors il est allé à la fenêtre, l’a ouverte, et s’est mis à parler au téléphone pour rapporter ce qu’il voyait puis pour filmer la scène. Un officier de police posté sous nos fenêtres l’a vu et lui a demandé de ne pas filmer et de retourner à l’intérieur. Sans même donner à mon mari l’occasion de se retirer , il a orienté son arme vers lui, à visé, et l’a touché à l’œil droit. Mon mari a été emmené à l’hôpital ou il est mort, le jeudi 3 février, après avoir passé 6 jours dans le coma. »

Une marche a été organisé en hommage à Ahmed Mohamed Mahmoud lundi 7 février dans l’après-midi.


Face à cette tragédie, le syndicat des journalistes a demandé la démission du ministre de l’information Anas Feki. Mais quelques jours plus tard les jouralistes demandaient la démission du président du syndicat lui-même, Makram Mohamad Ahmad, nommé par le chef de l’Etat.

« La révolution à ‘Al-Ahram’ ”

Les mouvements de protestation au sein de la profession se sont alors multipliés. « La révolution partout en Égypte, la révolution à ‘Al-Ahram’ ” ont scandé les journalistes d’un des  principaux quotidiens gouvernementaux, pour dénoncer la corruption et les responsables du journal. À « Rose el-Youssef » ils ont demandé la démission du rédacteur en chef Abdallah Kamal.

Mais au départ d’Hosni Moubarak, les journaux ont effectué un virage à 180 degrès en saluant la “Révolution des jeunes”. “ Le peuple a fait tombé le régime”, “ les jeunes d’egypte ont ont obligé Moubarak au départ”, titrait en une Al-Ahram.

La presse égyptienne félicite la révolution des jeunes après le départ de Moubarak

Pour autant, ce revirement de dernière minute des journalistes n’a pas toujours porté ses fruits.
Le présentateur vedette de la télévision égyptienne, Amr Adib, venu parler à ceux qui campent depuis plus de deux semaines dans le centre du Caire, a été bousculé et insulté, avant d’être chassé de la place Tahrir.

Waël Qandil, directeur de la rédaction du quotidien indépendant «Al-Shourouk» explique cependant qu’il est encore tôt pour parler d’une véritable liberté d’expression : « les médias d’État suivent l’évolution du discours officiel, explique-t-il, ils essaient simplement de prendre le train en marche. Mais ceux qui feraient usage d’une réelle liberté d’expression seraient toujours la cible d’attaques du pouvoir. »

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