Les révolutions tunisienne et égyptienne provoquent un effet-domino en Lybie

18 Fév
Après les événements survenus en Tunisie et en Egypte, c’est la Lybie qui emboîte le pas de la contestation. Le jeudi 17 février a été proclamé « jour de colère ». Le gouvernement censurant tous les moyens de communication , excepté Internet, l’appel à la manifestation a été lancé sur Facebook, les réseaux sociaux et Youtube apparaissants comme les seuls moyens pour les Lybiens d’organiser leur révolution.
Source Reuters

En Lybie, la contestation est en ordre de marche. Hier, les Lybiens sont descendus manifester leur colère dans les rues des grandes villes. Si les manifestations  trouvent leurs origines dans l’exigence de justice au sujet de la fusillade de  1200 prisonniers dans la prison d’Abou Salim en 1996, les protestataires de Benghazi ont étendu leurs demandes à des revendications politiques et économiques. Les manifestants ont crié des slogans hostiles au colonel Kadhafi et au premier ministre, Baghadadi Al-Mahmoudi. Malgré les avertissements du régime de Kadhafi à ne pas manifester, les Lybiens sont de plus en plus nombreux à se mobiliser. Une Google Map recense toutes les manifestations en cours dans le pays.

 

Source Twitter @Arasmus.

Une mobilisation qui passe principalement par les réseaux sociaux (Facebook, Twitter) et la diffusion de vidéo sur Internet avec pour modèles la Tunisie et l’Egypte.

Ci-dessous, une vidéo diffusée sur Youtube qui appelle les Libyens à descendre dans la rue.

La « journée de la colère » de jeudi a été précédée, dans la nuit de mardi à mercredi, d’une manifestation de plusieurs centaines de personnes à  Benghazi, ville côtière de l’est libyen.

Cette manifestation a été marquée par une violente dispersion par les forces de l’ordre, faisant trente-huit blessés, selon le directeur de l’hôpital Al-Jala, à Benghazi, à 1 200 km à l’est de Tripoli. Il faut rappeler que Benghazi est  un lieu symbolique de la contestation, une ville plus rebelle à l’égard du pouvoir que Tripoli. De plus en plus de vidéos sur la mobilisation des Lybiens circulent sur Internet. Elles prouvent que la contestation populaire monte en puissance au royaume de Khadafi de jour comme de nuit.

Les internautes qui laissent des messages sur le site de l’opposition www.libya-watanona.com, basé hors de Libye, appellent la population à manifester sur les places pour « faire peur à ce régime et à ses partisans et les forcer à fuir, parce que ce sont des lâches ».

La fronde d'élève en Lybie contre le régime du colonel Kadhafi

Le ministère de l’intérieur a limogé  hier un haut responsable local de la sécurité, suite à la mort de deux personnes dans ces manifestations à Al-Baïda, a rapporté le journal libyen Qurina sur son site interne. Les opposants au régime, en plus des réseaux sociaux, utilisent beaucoup la vidéo pour relater les images fortes de leur révolution.

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Hier, une vidéo a été diffusée sur Youtube montrant des manifestants brûler des photos de Muammar Kadhafi avant de s’attaquer à un centre de police dans la région montagneuse de Nefoussa (nord-ouest du pays).

Comme les Tunisiens et les Égyptiens, les Libyens sont présents en nombre sur la toile et utilisent les réseaux sociaux et la vidéo pour hisser la voix de leur contestation. Sur Facebook, le groupe « Jour de colère » recense près de 10 000 inscrits, alors que Facebook compterait près de 300 000 internautes libyens, selon le site spécialisé Socialbakers. A travers ces sites, l’opposition libyenne regroupée sous le nom de « enough » (assez !) appelle au soulèvement. Exemple avec ce clip diffusé sur Internet qui montre les images des affrontements de la nuit de mardi à mercredi.

Pour la plupart des observateurs, les « nouveaux médias » ont rempli un rôle important quant au succès de la mobilisation populaire. Marie Bénilde dans un article consultable en ligne sur les « blogs du diplo » revient sur le rôle que les nouveaux médias ont joué dans la chute des régimes aristocratiques en Tunisie et en Egypte, ce qui nous laisse imaginer ce qui pourrait bien se passer dans les prochaines semaines en Lybie si la contestation prend de l’ampleur. Le quotidien Le Monde y va aussi de son interprétation.

Les chutes rapides de Zine el-Abidine Ben Ali en Tunisie et d’Hosni Mubarak en Égypte sont un rappel que même les régimes “les plus durs” peuvent se révéler fragiles, une fois le manteau de la peur levé. A l’image de ces messages sur Twitter qui traduisent une colère profonde et le besoin de révolution.

Mais malgré les manifestations, beaucoup d’observateurs écartent l’idée d’un scénario à la tunisienne. Au pouvoir depuis 1969, un record désormais en Afrique, Mouammar Kadhafi tient le pays d’une main de fer. Même si certains Libyens se plaignent des nombreuses inégalités sociales et du manque de libertés, la Lybie est un pays exportateur de pétrole. Le pouvoir semble donc pouvoir puiser dans la manne énergétique pour satisfaire d’éventuelles revendications sociales.

Le régime mène depuis quelques jours une propagande intense sur le terrain même des partisans de la démocratie, les médias sociaux, pour dissuader les Libyens de descendre dans la rue aujourd’hui. Mouammar Kadhafi aurait par ailleurs mis en garde contre l’utilisation de Facebook, qui selon lui, participe d’un « complot impérialiste ».

Les autorités libyennes qui filtrent toutes les communications téléphoniques et observent les mouvements sur Internet ont procédé à une vaste rafle de toutes les personnes ayant reçu des appels de l’étranger, qui ont consulté Facebook, qui ont envoyé des messages sms ou qui ont posté sur le net des images des violentes manifestations de mardi soir à Benghazi, la deuxième ville de Libye. Le régime aurait envoyé des sms aux Libyens pour les dissuader de manifester.

Si la révolution a débuté sur la toile, elle a bien pris forme dans la rue. Selon le dernier bilan, huit personnes auraient été tuées depuis mercredi lors des affrontements. Des membres de l’opposition, basés à l’étranger, font état de six morts dans la ville de Benghazi, jeudi.

Après les événements survenus au cours des dernières 24 heures, le Quai d’Orsay s’est dit « particulièrement préoccupé », notamment concernant « l’usage excessif de la violence » (source AFP). On peut déjà s’attendre à une réaction dans les prochains jours des chefs des états européens. Beaucoup d’observateurs sont pressés de connaître les réactions de Nicolas Sarkozy étant donné les relations économiques et stratégiques entretenues avec le colonel Kadhafi.

Yoann Etienne

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