Tunisie : El général contre le Raïs

18 Fév

Hamada Ben Amor, rappeur tunisien de 22 ans, surnommé El général, a fait tomber  le président Ben Ali, grâce à  trois chansons et  au web. Rencontre avec un jeune armé de mots…

« Président ton peuple est mort » scande El général, alias Hamada Ben Amor, rappeur tunisien, dont la chanson a fait le tour du web tunisien, avant la chute du président Zine El Abidine Ben Ali. Né le 20 mars 1983 à Sfax, capitale du sud tunisien, ce  bachelier dénonce les maux de la société tunisienne dans ses textes engagés. « Je veux attirer l’attention du Raïs sur la misère et la répression » explique-t-il. Fin 2010, El général avait mis en ligne une seconde chanson intitulée « Raïs lebled » (Le chef du pays) qui interpelle directement le président Ben Ali sur la misère sociale du pays, la violence du régime et le chômage des jeunes. Dans cette chanson en forme de lettre ouverte il appelle le président à descendre dans la rue pour voir les jeunes au chômage et les gens qui ne trouvent pas de quoi manger. Son troisième texte « Tounis Bledna » (La Tunisie notre pays) critique également la corruption du régime et la détresse du peuple tunisien. En trois raps en forme de missiles diffusés sur les réseaux sociaux tunisiens, Hamada Ben Amor est devenu le porte-parole d’une jeunesse désespérée.

Mais sa liberté de parole n’est pas du goût des autorités et lui a valu d’être arrêté le 6 janvier dernier à 5h30 du matin par 30 policiers à son domicile de Sfax, capitale du sud tunisien. « Les policiers, venus à bord de plusieurs voitures ont encerclé la maison et lui ont demandé de les suivre » raconte son frère.  C’est dire la menace qu’il représente pour le régime de Ben Ali ! Puis il a été libéré après trois jours. Les policiers cherchaient à savoir s’il avait une appartenance politique et lui ont demandé de renoncer à ses idées. Depuis son arrestation, on ne parle plus que de lui et il est devenu l’un des visages de la contestation civile qui secoue la Tunisie depuis l’immolation par le feu de Mohammed Bouazizi le 17 décembre à Sidi Bouzid.
Aujourd’hui, le Raïs a quitté le pays. Quant à El général,  il affirme avoir été sollicité par plusieurs maisons de disque nationales et étrangères.  « Je compte maintenant me concentrer sur le rap et enrichir mon répertoire de plus de trente chansons » annonce-t-il.

Edwige Géraldo.

La presse égyptienne : une révolution dans la révolution

18 Fév

Les journaux changent de ton depuis le départ d'Hosni Moubarak

La révolution égyptienne est en marche pour les citoyens mais aussi pour la presse qui tente une révolution dans la révolution. Le ton des journaux a radicalement changé depuis le début des protestations. La mort du journaliste Ahmed Mohamed Mahmoud le 3 février dernier a sans doute été l’évènement qui a emballé la machine de la révolution médiatique. Mais peut-on pour autant désormais parler d’une totale liberté de la presse égyptienne?

Sous le régime d’Hosni  Moubarak la création d’un journal relevait du parcours du combattant, les critiques envers le régime s’avéraient quasiment impossible. 99% des maisons de presse appartenaient au gouvernement, ce qui lui permettait de censurer un journal à tout moment. Malgré la situation , la presse indépendante a réussi à s’imposer dans les kiosques aux côtés de la presse gouvernementale officielle, mais pour elle, difficile de faire face aux quelques 32 articles de loi qui pénalisent les “égarements”. Cette situation a placé l’Egypte au 143ème rang mondial sur 175 pays pour la liberté de la presse en 2011.

A l’aube de la révolution dans le pays, le ton des journaux officiels suivait son cours : l’appel au dialogue était privilégié. « Pendant les 10 premiers jours du mouvement de contestation, la couverture des évènements par les médias égyptiens a été honteuse, dénonce Rasha Abdulla, directrice du programme Journalisme et communication de masse de l’université américaine du Caire,citée par le quotidien américain « The Washington Post » . C’était comme s’ils vivaient sur une autre planète. »

Un vent de liberté souffle sur la presse

La femme de Ahmed Mohamed Mahmoud manifeste le 7 février au Caire

Mais le 3 février dernier, la mort du journaliste Ahmed Mohamed Mahmoud après trois jours passés dans le coma a réveillé la profession. L’épouse du journaliste, témoin direct de l’assassinat de son mari explique les circonstances de sa mort : “Il était à la fenêtre de son bureau qui donne rue Magless el Shaab (Rue de l’Assemblée du Peuple), à proximité du ministère de l’intérieur. Samedi 29 janvier, il a entendu des coups de feu, alors il est allé à la fenêtre, l’a ouverte, et s’est mis à parler au téléphone pour rapporter ce qu’il voyait puis pour filmer la scène. Un officier de police posté sous nos fenêtres l’a vu et lui a demandé de ne pas filmer et de retourner à l’intérieur. Sans même donner à mon mari l’occasion de se retirer , il a orienté son arme vers lui, à visé, et l’a touché à l’œil droit. Mon mari a été emmené à l’hôpital ou il est mort, le jeudi 3 février, après avoir passé 6 jours dans le coma. »

Une marche a été organisé en hommage à Ahmed Mohamed Mahmoud lundi 7 février dans l’après-midi.


Face à cette tragédie, le syndicat des journalistes a demandé la démission du ministre de l’information Anas Feki. Mais quelques jours plus tard les jouralistes demandaient la démission du président du syndicat lui-même, Makram Mohamad Ahmad, nommé par le chef de l’Etat.

« La révolution à ‘Al-Ahram’ ”

Les mouvements de protestation au sein de la profession se sont alors multipliés. « La révolution partout en Égypte, la révolution à ‘Al-Ahram’ ” ont scandé les journalistes d’un des  principaux quotidiens gouvernementaux, pour dénoncer la corruption et les responsables du journal. À « Rose el-Youssef » ils ont demandé la démission du rédacteur en chef Abdallah Kamal.

Mais au départ d’Hosni Moubarak, les journaux ont effectué un virage à 180 degrès en saluant la “Révolution des jeunes”. “ Le peuple a fait tombé le régime”, “ les jeunes d’egypte ont ont obligé Moubarak au départ”, titrait en une Al-Ahram.

La presse égyptienne félicite la révolution des jeunes après le départ de Moubarak

Pour autant, ce revirement de dernière minute des journalistes n’a pas toujours porté ses fruits.
Le présentateur vedette de la télévision égyptienne, Amr Adib, venu parler à ceux qui campent depuis plus de deux semaines dans le centre du Caire, a été bousculé et insulté, avant d’être chassé de la place Tahrir.

Waël Qandil, directeur de la rédaction du quotidien indépendant «Al-Shourouk» explique cependant qu’il est encore tôt pour parler d’une véritable liberté d’expression : « les médias d’État suivent l’évolution du discours officiel, explique-t-il, ils essaient simplement de prendre le train en marche. Mais ceux qui feraient usage d’une réelle liberté d’expression seraient toujours la cible d’attaques du pouvoir. »

Printemps arabe: Le Maroc face au doute

18 Fév

Alors que la toile marocaine regorge d’appels à la manifestation le 20 février, afin de réclamer des réformes politiques et la démission du gouvernement, ce dernier affiche une sérénité sans faille. Le Maroc serait-il à l’abri de la vague révolutionnaire arabe ?

«Le Maroc (…) s’est engagé il y a longtemps dans un processus irréversible de démocratie et d’élargissement des libertés publiques», a affirmé Khalid Naciri, porte-parole du gouvernement et ministre de la communication à l’agence MAP. «Que les citoyens puissent s’exprimer librement ne nous trouble nullement», ajoute-t-il.

Pour le moment, la situation du Maroc reste bien calme par rapport à ses voisins. C’est que la situation est différente, comme l’explique le politologue spécialiste de la région Didier Billion au journal Politis.

En 3 questions, Didier Billion revient sur les révolutions tunisiennes et égyptiennes avant d’aborder les risques de contagion, notamment au Maroc.

De son côté, le journaliste Bernard Guetta émet des doutes quant à la probabilité d’extension au Maroc. Le pays dispose en effet d’une monarchie légitimée par l’histoire et des institutions stables. De plus, depuis son couronnement en 1999, le roi Mohammed VI a mené une libéralisation politique et a misé sur le social. Comme l’affirme le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, Mohammed Ouzzine, « Au Maroc, le roi mène personnellement une révolution contre la pauvreté ».
Si le bilan des politiques sociales menées par le souverain reste difficile à dresser à l’heure actuelle, il n’en reste pas moins que Mohammed VI dispose d’une grande popularité parmi ses sujets.
En 2009, un sondage interdit de publication, indiquait que 91% des personnes interrogées jugeaient le bilan de la première décennie de règne de Mohammed VI positif ou très positif.


Mohammed VI célèbre ses 10 ans de règne et compagnie de son fils et de ses sujets/ Ali Linh

Par ailleurs, la question du Sahara , pour laquelle le pays est en désaccord avec l’Algérie, cristallise les craintes de chaos. L’heure semble plutôt à l’union nationale face à l’ennemi commun. Si bien que pour de nombreux Marocains, si les revendications des organisations contestataires sont légitimes, ce n’est pas le bon moment pour les exprimer. Et risquer de déstabiliser un pouvoir monarchique qui doit rester fort pour rivaliser face à celui de l’Algérie sur cette question.

Anti et pro-manifestation s’affrontent sur la toile

La toile marocaine, comme la Tunisie et l’Egypte avant elle, est actuellement tiraillée par une guerre des appels. Appel à la manifestation le 20 février d’un côté. Appel au calme et au respect du pouvoir en place de l’autre.

Un groupe facebook rassemble déjà plus de 13 000 personnes en faveur du mouvement du 20 février. Tandis que les Marocains opposés à la manifestation de dimanche, même s’ils sont moins unis et organisés, sont eux aussi présents sur le réseau social.

Les sites d’informations libres sont le théâtre de débats vifs.

Mais au Maroc, la bataille entre pro et anti-manifestation ne se cristallise pas autour de la légitimité du roi. Dans un camp comme dans l’autre, personne ne parle de Mohammed VI. Le gouvernement est parfois décrié. Mais ce sont plus des appels à une libéralisation politique et aux avancées sociales qui se font entendre.

 

Appel à la mobilisation le 20 février, circulant sur le web depuis le début de semaine.

Étouffer le feu

Et pourtant, si le Maroc semblait un cas à part dans le monde arabe, certains syndromes touchant ses voisins voient le jour.

Le 10 février dernier, un jeune chômeur se donnait la mort en s’immolant par le feu. Cet homme licencié par l’armée entendait protester contre ses conditions de vie. Avant lui, d’autres personnes avaient tenté de se suicider de la sorte. Les images choquantes de ces tentatives circulent sur la toile.

C’est à une véritable guerre de légitimité que se livrent les pro et anti-manifestation. Les leaders du mouvement de revendication sont les cibles de tentatives de manipulation. Des photos les montrant au bras d’ennemis de la nation ou encore dans des églises cherchent à les faire passer pour des traîtres.

Sur le site Rue89, l’un des leaders du mouvement, qui a notamment lancé l’appel à la mobilisation du 20 février sur facebook, raconte que des policiers sont venus questionner sa mère, chez qui il vit, ainsi que sa concierge. Une façon de lui signifier qu’il est sous surveillance.

Le pouvoir marocain ne se sentirait donc pas totalement à l’abri. Signe ultime de la crainte de montée du mécontentement: Le Premier Ministre, Abbas El Fassi a annoncé mardi dernier, qu’il avait décidé de débloquer 1,4 milliard d’euros pour compenser la hausse des prix des produits de première nécessité. Décision prise à l’issue d’une réunion avec les chefs de partis politiques concernant « le Sahara occidental, les prochaines élections prévues dans un an, et sur les événements récents en Tunisie et en Égypte« , selon les déclarations faites à l’AFP de responsables de ces partis .

Leïla Piazza

Wael Ghonim, cybermilitant, héros malgré lui

18 Fév

La révolution égyptienne a trouvé son héros, sa voix. Il s’appelle Wael Ghonim et travaille pour le géant Google au Moyen-Orient. Près d’une semaine après la chute d’Hosni Moubarak, la population égyptienne n’est pas prête d’oublier celui qui est considéré comme l’instigateur du soulèvement, qui a débuté le 25 janvier dernier.

Wael Ghonim, cadre chez Google, a joué un rôle-clé dans la mobilisation de la jeunesse égyptienne sur Facebook et l’a payé d’un séjour en prison. C’est en janvier que ce jeune trentenaire, sous le pseudonyme « Shaheed », créé un groupe sur le réseau social Facebook : «Nous sommes tous des Khaled Saïd », du nom du jeune blogueur battu à mort par des policiers en civil, en juin 2010. Rapidement, cette page devient le point de ralliement des manifestations contre le gouvernement, qui commencent le 25 janvier.
Wael Ghonim jouait déjà un rôle important bien avant le début du soulèvement contre la dictature. Mais le 7 février dernier, c’est en véritable héros qu’il a été accueilli place Tahrir, au Caire.

Le 27 janvier, alors qu’il manifestait dans les rues du Caire, au milieu d’une foule d’opposants au régime Moubarak, Wael Ghonim est arrêté.

Pendant douze jours, il est porté disparu. Pendant douze jours, ses amis et sa famille le cherchent, redoutant le pire : le voir subir le même sort que Khaled Saïd. Il était en fait interrogé par la Sécurité d’État à propos de son groupe Facebook.

Héros malgré lui …

Aujourd’hui libéré, Wael Ghonim est un véritable héros, malgré lui … Après sa libération, il accorde un entretien devant les caméras de la chaîne privée Dream 2 (voir vidéo ci-dessous). Le jeune homme raconte sa détention, parle de la révolution. Un entretien chargé d’émotion, suivi par des millions d’Egyptiens.
Et sa popularité ne cesse de croître. Plus de 160 000 personnes se sont déjà inscrites sur un groupe Facebook pour lui demander de devenir le porte-parole de la révolution égyptienne.

Et pourtant, le cybermilitant ne pense pas mériter ces ovations. « Je ne suis pas un héros », a-t-il clamé lors de son entretien sur Dream 2. « J’étais endormi pendant douze jours », faisant référence à sa période de détention. « Les héros sont ceux qui étaient dans la rue, ceux qui se sont fait tabasser, ceux qui se sont fait arrêter, qui se sont mis en danger. Je ne suis pas un héros. »

Pour le jeune militant, cette révolution appartient avant tout à la jeunesse internet, à la jeunesse égyptienne, à tout le peuple. « Il n’y a pas de héros. Personne ne doit voler ce rôle. Nous sommes tous des héros. » Wael Ghonim, un homme qui a ému des milliers d’Égyptiens à sa libération, à travers ses paroles prononcées à la télévision égyptienne. Honnêteté, émotion, sincérité, il est le premier à émerger parmi les « enfants de Facebook », qui ont créé les conditions de cette révolution. Et les Égyptiens sont convaincus que l’on n’a pas fini d’entendre parler de Wael Ghonim.

Depuis sa remise en liberté, le jeune homme a repris son activité sur le net, et notamment sur Facebook et Twitter, appelant les Égyptiens à poursuivre cette révolution, qui n’est pas encore terminée.

Sur Twitter, Wael Ghonim continue d'adresser ses messages à la population égyptienne. "La révolution n'est pas terminée".

Avec d’autres cybermilitants, il a également rencontré l’armée pour discuter des réformes démocratiques promises, après la dissolution du Parlement et la suspension de la Constitution. Pour autant, Wael Ghonim affirmait sur Twitter mardi qu’il n’appartenait à aucun groupe politique : « Just a clarification to all Egyptians: I don’t belong to any political alliance. I don’t support anyone for presidency. Thats not my role ».

C’est donc de chez lui, sur son ordinateur, que Wael Ghonim a commencé à manifester. Comme de nombreux autres révolutionnaires, il a su tirer parti des réseaux sociaux sur Internet pour rassembler les revendications des Egyptiens. Et c’est aussi sur Twitter que le jeune cyberdissident annonce la sortie prochaine de son livre : « Révolution 2.0 »

Le soulèvement algérien à l’heure du web 2.0

18 Fév

Parallèlement aux soulèvements populaires tunisien et égyptien, la situation politique et sociale s’est également dégradée en Algérie ces dernières semaines. Et ce, même si le mouvement de contestation reste pour le moment circonscrit à une part limitée de la population. Malgré les récentes promesses du chef de l’Etat Abdelaziz Bouteflika, la contestation algérienne maintient la pression, en particulier sur la toile. Le président historique de l’Algérie fait l’objet d’attaques virulentes de la part de ses détracteurs pour qui la « révolution » passera par les réseaux sociaux et la blogosphère correspondante.

Répression, intimidation et pression sont monnaie courante au sein de la société algérienne lorsqu’il s’agit d’émettre une opinion contraire ou dissonante à celle du pouvoir en place. Face à cet état de fait, les Algériens ont trouvé la parade : Internet.

Les réseaux sociaux et les blogs comme support de la contestation

En pleine effervescence, le réseau social Facebook qui a vu le nombre de groupes appelant à la mobilisation et au rassemblement, croître fortement. On peut ainsi noter la présence de groupes facebook dédiés à cette cause : Action pour le changement en Algérie, Récupérons notre Algérie ou encore Algérie liberté. Fonctionnant sur le mode des médias participatifs et citoyens, ils ambitionnent communément de donner la parole aux premiers acteurs de la vie algérienne, le peuple lui-même. Un exemple : le phénomène des Envoyés Spéciaux Algériens (ESA). Lancée par des étudiants algériens, cette page web a chamboulé la scène médiatique algérienne, notamment lors des émeutes du début du mois de janvier. Pour Younes Saber Chérif, l’un des fondateurs du projet, « le verrouillage du champ médiatique en Algérie a poussé les gens à chercher d’autres moyens d’expression. »

Cependant, l’apport des internautes n’est pas toujours aussi pertinent, à l’instar du groupe Bouteflika dégage, purement vindicatif. D’autres en revanche réfléchissent à l’avenir et organisent des marches populaires, comme la page Plus de paix, de démocratie et de développement en Algérie.

Une blogosphère engagée

Twitter n’est pas en reste, le site de micro-blogging a vu fleurir les profils et les pages consacrés au soulèvement algérien : freealgeria2011, FreeAlgeria ou encore vivadz2011. L’actualité nationale y est traitée heure par heure et fait l’objet de nombreux tweets et retweets.

Le web algérien foisonne de vidéos relatives à la répression des marches populaires.

De son côté, la blogosphère est également représentative de cet engouement. Plusieurs dizaines de blogs ont ainsi vu le jour, rejoignant l’historique Club des démocrates algériens (qui plaide l’instauration de la 2ème République) ou le forum Algérie-politique ; des espaces de libre expression. Des blogs ouverts au plus grand nombre, tels que Changement-Algérie, y côtoient des blogs plus personnels traitant du même sujet. Entre autres : Hchicha.net, le journal-blog d’un Algérien installé à Paris ou Mounadil qui se veut garant des points de vue sur le monde arabe en général, Algérie et Palestine en particulier.

La plupart des blogs communiquent à propos des marches nationales

Internet représente donc à l’heure actuelle le premier des outils démocratiques des Algériens, en dépit de la censure gouvernementale. Cet engagement citoyen est particulièrement manifeste sur les blogs et les sites communautaires du pays, principaux relais du ras-le-bol d’une majeure partie de la population.

Antoine Comte et Sorlin Chanel

La Tunisie au JT : connaissait-on la situation sous Ben Ali?

18 Fév

Ben Ali a pris le pouvoir il y a plus de 23 ans. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que la télévision française a souvent été ambiguë vis-à-vis de ce pays.

A la fin des années 80’s, le président Mitterrand fait un voyage en Tunisie,  où il rencontre par deux fois le président Ben Ali. Ce déplacement est l’objet d’un reportage sur Antenne 2. Le présentateur le qualifie  de « dépaysement garantie » et présente un pays très cliché : musique, derviches tourneurs, moment de calme sous les figuiers. Le président n’était élu que depuis un an et tous les espoirs étaient alors permis.

Ce n’est pas le cas à la fin les années 90. Les droits de l’homme en Tunisie sont montrés à la télévision (reportage de 1998), les exactions parfois mis en avant. Pourtant, lors du déplacement du président Chirac en 1995, la relation entre les deux hommes est décrites comme « chaleureuse ». Le tournant se place donc à la fin de la décennie, même si la Tunisie est rarement clairement montrée du doigt.

Un début de critique : les années 2000


Dans les années 2000, les journaux télévisés français deviennent relativement plus critique de la situation en Tunisie, proposant par exemple des reportages dès 2002 sur la liberté d’expression, comme au JT de 20h de France 2. . De même en 2008, où ce reportage montre la difficulté qu’à l’opposition de se faire écouter, surtout lors de manifestations dans le pays, où les infos sont totalement bloquées. Certes, le journaliste s’emballe un peu en parlant même « d’Intifada »… Le fait que Ben Ali bâillonnait l’opposition était donc connu et l’information été diffusée en France.

Pourtant en 2008, au journal de 13 heures, on peut voir le président Sarkozy en voyage en Tunisie, où ce dernier met en cause des « observateurs biens sévères avec la Tunisie », un pays qui développe « la tolérance ». Ce qui n’empêche pas le journaliste de lancer une petite pique au présidente en fin de reportage. Depuis la chute du régime, Rama Yade s’est d’ailleurs exprimée au micro d’Europe 1, affirmant que lors de ce voyage de 2008, elle avait vu venir la chute du régime de Ben Ali…

Lors de la réélection de Ben Ali en 2009, on parle certes de l’absence de pluralité et de liberté de parole en Tunisie. Mais du point de vue économique, les journalistes expriment une certaine admiration pour la Tunisie qui a « réussit à moins souffrir de la crise économique que les autres » (reportage de France 2). C’est pourtant le chômage record, qui touche 1 jeune diplômé tunisien sur 5, qui a attiré les premiers jeunes dans la rue. Mohamed Bouazizi s’immole tout d’abord parce qu’il ne peut plus travailler pour nourrir sa famille de 7 enfants. Il devient le point de départ de toute la contestation.

Encore des événements qui ont fait mentir les journalistes, les analystes politiques, mais surtout placer sous les projecteurs le cynisme des relations entretenues pendant des années entre la France et l’Algérie. Voir la fin du reportage de Serge Kovacs en 2005  « Aujourd’hui à Tunis, technologies et libertés n’avancent pas au même rythme ». Presque 6 ans plus tard, c’est par Facebook que se mettra en place la mobilisation qui amènera au départ de Ben Ali.

Déborah Gay

La répression s’intensifie au Bahreïn

18 Fév

La dispersion de la manifestation dans le centre de Manama, dans la nuit de mercredi à jeudi, a fait au moins quatre morts et des dizaines de blessés selon les proches des victimes et l’opposition. Les forces de l’ordre ont violemment chargé les manifestants qui campaient place de la Perle depuis mardi.

D’après l’opposition, elles ont utilisé du gaz lacrymogène, des balles en caoutchouc et des balles à fragmentation pour disperser les protestataires. Selon le chef de l’opposition chiite cheikh Ali Salmane, elles ont attaqué «sans sommation». Le chef du principal parti chiite d’opposition et député du Wefaq, Djalil Khalil, a expliqué à Reuters que les attaques avaient pour objectif de tuer. « C’est du véritable terrorisme », a-t-il ajouté. Sur son blog, Mahmood, un proche de l’opposition, témoigne des évènements : « Le dialogue a été remplacé par les tirs, les gaz lacrymogènes et des centaines de policiers des forces anti-émeutes, employant une violence démesurée contre des citoyens non-armés.»

Vidéo amateur tiré du blog de  Mahmood.

Le mouvement de contestation a débuté lundi, suite aux appels lancés par des internautes sur Facebook voulant s’inspirer des soulèvements égyptien et tunisien. Les protestataires occupaient la place depuis la mort de deux jeunes chiites lors de la dispersion d’une précédente manifestation anti-gouvernementale. Le ministre bahreïni de l’Intérieur avait tenté de calmer la colère populaire en s’excusant et en promettant d’arrêter les responsables présumés au sein des forces de sécurité.

La place de la Perle a été rebaptisée « « Tahrir »» (libération), par les manifestants, en référence à celle du Caire qui a été le cœur du soulèvement égyptien.

Les manifestants réclament le départ du premier ministre

La population à majorité chiite se sent discriminée alors que l’archipel est dirigé par une monarchie sunnite. Elle réclame le départ du Premier ministre, l’oncle du roi, au pouvoir depuis 40 ans et des réformes en matière d’emploi, de services sociaux, de services publics ou de logement.

Le Wefaq, principal bloc chiite, va quitter le Parlement, a annoncé aujourd’hui Ibrahim Mattar, député de l’opposition chiite.

« L’armée prendra toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité »

Ce matin, les forces de l’ordre démontaient les tentes des manifestants, des blindés de l’armé étaient toujours dans Manama et la place était encerclée par les véhicules de police.

Le ministère de l’intérieur a expliqué dans un communiqué que l’intervention a eu lieu après que «Les forces de sécurité ont épuisé toutes les chances de dialogue». Un porte parole du ministère de l’Intérieur a déclaré à la télévision que l’armée prendrait toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et a demandé à la population d’éviter le centre de la capitale.

Voir aussi : un reportage d’Euronews sur la situation au Bahreïn

Tunisie : l’organisation culturelle de l’après Ben Ali

18 Fév

Le monde culturel tunisien a beaucoup souffert en 20 ans de régime Ben Ali. « La censure a étouffé la créativité, l’absence de moyens financiers a démotivé les artistes et rendu impossible la réalisation de certains spectacles ou films », explique Habib Belhedi, producteur de la pièce Amnesia. « Tout le système était contre nous. Pour faire exister des œuvres audacieuses, il fallait être très persévérant, avoir soif de créer et de dénoncer. On répétait comme des nomades, sans salle, sans argent, sans certitude de pouvoir montrer la pièce au public un jour. »

 

 

Amnésia relate justement le départ de Ben Ali et la libération de la censure. Jalila Baccar et Fadhel Jaïbi, les deux auteurs de la pièce, font désormais office de figures de proue de la démocratie tunisienne. Ils ont résisté à la censure pendant des années.

 

Le malaise de la société tunisienne était déjà perceptible, bien avant la chute de Ben Ali, notamment dans les œuvres de certains artistes engagés. La poésie d’Ouled Ahmed prophétise « la révolution de Jasmin » bien avant l’heure. Nouri Bouzid, évoque le désarroi de la jeunesse qui sera à l’origine des premières émeutes  dans Making Of, un film engagé et visionnaire.

 

« On sentait, dans le travail d’artistes-peintres comme Mohamed Ben Slama ou Dali Belkadhi, une très grande ­colère, une frustration qui étaient à l’œuvre dans toute la société », explique le galeriste Lotfi El Hafi, patron de l’espace d’art Mille Feuilles, à La Marsa.

 

Bien avant la révolution, le monde de l’art faisait déjà la sienne. Depuis, les artistes se sont organisés et on définit des axes de développement prioritaires : « Avec d’autres collègues galeristes, nous nous sommes déjà réunis à plusieurs reprises pour coordonner nos revendications », souligne El Hafi.

 

Même au Maroc, les artistes ont mené des réflexions quant à l’avenir de l’industrie culturelle.

 

Leur but ? Développer une véritable économie de la culture. « Jusqu’ici, l’argent n’était pas donné en fonction de critères artistiques. Pour aller au bout de ses projets, il fallait compter sur l’étranger : mon festival n’existe que grâce aux subventions de l’Union européenne », explique Riahi, célèbre chanteur tunisien.

 

Et maintenant ?

En Tunisie, les lieux culturels sont trop concentrés « En dehors des grands centres urbains, la culture est quasi-absente, alors que c’est là que les jeunes ont le plus besoin de nous. Il faut mettre les médias à contribution pour sensibiliser les masses populaires à l’art et à la culture », préconise Wafaa, danseuse. « Quand on entend les slogans des émeutiers, qu’on écoute leurs chansons, on se rend compte à quel point ce peuple est imprégné de poésie et en demande de beauté », analyse le poète Tahar Bekri.

 

Si l’optimisme est désormais de mise dans le monde culturel tunisien, certains appellent tout de même à la vigilance. Des interrogations persistent quant au futur contrôle des médias, à la liberté d’expression et à la place de la culture dans la future société.

 

Antoine Mariaux et Tristan Scohy

Vogue la galère : le périple des migrants tunisiens

18 Fév

Ils ont entre vingt et trente ans. On les appelle les « harragas ». Ces migrants tunisiens ont peu d’espoir en l’avenir politique et économique de leur pays. Alors ils prennent le large, sur des embarcations de fortune. Au péril de leur vie.

Entre samedi et dimanche dernier, plus d’un millier de Tunisiens ont afflué vers les côtes italiennes. Sur l’île de Lampedusa, première étape de leur voyage, les autorités italiennes tentent de gérer le flot de ces « vogue la galère ». Ils sont cinq mille immigrants à être arrivés jusqu’ici, avec un seul espoir : trouver un emploi. Et profitent du souffle de liberté apporté par la révolution de Jasmin pour tenter leur chance de l’autre côté de la méditerranée.

Si la route n’est pas si longue, elle n’en demeure pas moins dangereuse. Les barques de fortune où sont entassés les migrants ont aussi fait des victimes. Cinq « harragas »ont trouvé la mort vendredi et trente autres ont disparu aux larges des eaux internationales. Les huit survivants ont accusé les garde côtes tunisiens d’avoir provoqué une collision. Les autorités se sont défendues en affirmant que la barque ne voulait pas répondre aux injonctions des autorités de rebrousser chemin et en tentant de fuir la barque aurait percuté leur vedette.

Une fois arrivés sur l’île de Lampedusa qui compte quelques 5000 habitants, les immigrants tunisiens sont placés dans des hébergements d’urgence. Un centre fermé en 2009 a été rouvert pour l’occasion. D’une capacité de 850 places il accueille actuellement 2200 tunisiens. Les quelque 3000 autres sont répartis dans des centres en Italie (Bari, dans les pouilles, Calabre, Crotone, ..).

« Les autorités tunisiennes ne jouent pas leur rôle de gouvernance »

La situation tendue est une aubaine pour les déçus et les opposants au gouvernement transitoire. Mustapha Ben Jaafar, professeur de médecine et démissionnaire du régime provisoire, est excédé. Il accuse le nouveau pouvoir d’être incapable de maîtriser ces mouvements migratoires. Pour lui, le système sécuritaire est défaillant et les autorités ne jouent pas leur rôle de gouvernance.

Dans ces conditions, la réaction européenne ne l’étonne pas.
En effet, l’Italie a demandé vendredi une aide de dimension européenne pour pouvoir faire face à cet afflux. L’agence européenne Frontex pour la surveillance des frontières a répondu à cet appel. Trente à quarante personnes devront alors être mobilisées ainsi que des navires et des avions. Bruxelles a, pour sa part, lancé une demande de financements auprès des pays membres lundi. Rome réclame 100 millions d’euros à l’U.E.
Pour le spécialiste des dynamiques migratoires autour de la méditerranée, Mehdi Lahlou, le déploiement d’un tel dispositif est inutile. Il considère qu’ « il s’agit d’un flux exceptionnel, liés aux événements récents survenus en Tunisie et non d’une tendance durable ».

 

Lucie Thiery

Le rap, bande-son des révolutions arabes

18 Fév

Le hip-hop arabe a longtemps eu du mal à s’exprimer. La censure lui préfère les mélodies énamourées du raï, sans substance politique. Mais les mouvements récents de révolte sont en train de changer la donne. La parole se libère, et avec elle les textes des rappeurs.

El General, rappeur et symbole de la révolte tunisienne.

Depuis quelques semaines, les clips de hip-hop critiquant les régimes arabes se multiplient sur Internet.  Dans ces vidéos: revendications sociales, condamnation de la corruption et de la classe politique… Mais aussi appels à la révolte ou hommages aux manifestants. En provenance de Tunisie, d’Egypte, d’Algérie ou même de Lybie, les chansons des rappeurs soufflent sur les braises de la révolte. Dernière arrivée sur le net, cette vidéo présente les heurts de la nuit de mardi à mercredi en Lybie. En arrière plan, un morceau de hip-hop clamé en arabe. 

Les images de violence sont entrecoupées de slogans politiques. Enough! le titre est clair, le style aussi: l’heure n’est pas à la franche rigolade.

En Égypte, même ambiance. Ce blog d’informations francophones recense les hymnes hip-hop de la révolution qui a vu tomber Moubarak. Même sans comprendre les paroles, l’énergie est palpable.  Ce clip, posté le 21 janvier – en plein troubles – débute sur un logo présentant un poing fermé surplombant le mot révolution.

Et les Égyptiens ne sont pas seuls. Des artistes internationaux viennent les épauler. Le clip ci-dessous a été produit par quelques artistes américains et canadiens. Le titre, #25janv est à la fois une référence au 25 janvier,  la date qui a vu le mouvement égyptien débuter, et aux hashtags de twitter, un des principaux outils de communication  des manifestants et de leurs soutiens.

En France, c’est le fils d’Ali Mecili, l’opposant algérien assassiné à Paris en 1987, qui dézingue le président  Bouteflika – et ses soutiens français- dans son titre 90%.

Un  soutien international qui fait écho à la solidarité clamée par la Zulu Nation du début du hip-hop. Né dans les ghettos noirs américains, le rap a toujours eu une frange revendicative. Les pionniers Africa Bambataa, Public Enemy, ou Nas un peu plus tard,  dénonçaient dans leurs textes la situation sociale des Afro-américains. En débarquant en Europe, notablement en France,  le hip-hop amène lui avec sa colère et ses désirs de révolte. « Qu’est ce qu’on attends pour foutre le feu » clamait NTM en 1995.

Depuis, le rap a essaimé partout dans le monde. Il est devenu multi-forme.  Dans les boites de nuit et les bars plus ou moins branchés, c’est désormais une musique festive et légère.  Mais il n’a jamais déserté les quartiers populaires ni coupé ses racines contestataires. C’est de là qu’il puise sa force originelle  et c’est là que sont créés les brulots qui inondent aujourd’hui Internet et les pays arabes. Le rap, musique du peuple, a enfin trouvé sa révolution.