Place Tahrir, place du 7 novembre, place de la Perle. Les centres des villes, entrées en résistance pour obtenir des réformes démocratiques, font l’actu en ce moment. La place Tahrir au Caire est déjà passée à la postérité. Lumière sur ces lieux qui font des émules dans le monde arabe.
Chronologiquement, la place du 7 novembre à Tunis mérite la primeur de ces lignes. Il semblerait que l’effet-domino ait joué à plein et la contestation tunisienne a entraîné le monde arabe dans son élan révolutionnaire. Même si le mode opératoire ne sera pas repris. La Tunisie s’est d’abord embrasée en province contrairement à Égypte ou au Bahreïn. A Sidi Bouzid exactement, dans le centre du pays, à 260 km de la capitale.
Afficher Sidi Bouzid, là où tout a commencé sur une carte plus grande.
Le 17 décembre à Sidi Bouzid, un marchand ambulant s’immole pour protester contre la confiscation de sa marchandise par la police. Son geste fait basculer le pays dans la révolution. Les révoltes prolifèrent en province. À Tunis, place du 7 novembre, il faut attendre le 27 décembre pour voir les manifestants défiler. Cette place fut nommée ainsi le jour où Ben Ali déposa Bourguiba le père de la nation tunisienne en 1987. Une appellation amenée à changer après l’éviction du dictateur. Le futur nom donné à la place coule de source : ce sera la place Bouazizi du nom du marchand décédé de ses blessures le 4 janvier dernier. Considérée comme le premier souffle qui embrasa une situation incandescente, sa mort attisera le désir de changement de ses compatriotes. Jusqu’à la fuite de Ben Ali qui libéra le pays le 15 janvier. La place centrale de la capitale abrite alors des manifestations mêlant revendications sociales et appels à un nouveau gouvernement.
Égypte reprend le flambeau révolutionnaire. Le 25 janvier, au Caire et dans plusieurs villes de provinces, 15000 personnes manifestent contre le régime de Moubarak. Alors que le gouvernement instaure un couvre-feu et coupe tout accès à internet, les Égyptiens bravent l’interdit et accentuent la pression. La place Tahrir (littéralement place de la libération) est alors témoin de heurts sanglants.
Preuve d’un désaveu terrible, l’armée prend le parti de la population et promet de ne pas ouvrir le feu. La place Tahrir devient le symbole de la révolution du Nil. On y photographie soldats et manifestants s’embrassant. Le 1er février, plus d’un million de personnes défilent dans tout le pays. La place Tahrir est noire de monde. Jusqu’au départ de Moubarak, la place ne désemplit pas nuit et jour malgré les sommations du gouvernement honni. Pacifisme et créativité caractérisent la place de la libération. Les manifestants rivalisent d’ingéniosité pour coiffer leur tête et crier leur rage.
La mobilisation est hétéroclite, jeunes vieux mais aussi femmes et enfants, les Egyptiens font l’histoire. Jusqu’au feu d’artifice du 10 février qui fête le départ du président. La presse salue le lendemain l’issue des manifestations. France Culture y consacre des émissions spéciales en direct.
Les Cairotes eux sont toujours là pour nettoyer et faire passer des messages. Un sexagénaire s’écrie : « C’est une nouvelle Egypte. C’est le jour 1 de l’histoire de l’Egypte ». D’autres se scotchent des papiers tout en humour : « désolé pour le dérangement, nous bâtissons l’Egypte ».
Au Bahreïn ou au Yémen, les manifestations se poursuivent aujourd’hui. Les populations aspirent également à renverser le régime en place. Les manifestations sont marquées par une forte répression. Au Yémen, il y a aussi une place Tahrir, à Sanaa. Mais celle-ci est le théâtre d’affrontements entre pros et anti Saleh, président yéménite. Quelques 3000 personnes se sont encore opposées hier. Les revendications sont d’abord économiques : un tiers des 23 millions de Yéménites sont sous-alimentés et 40% vivent avec moins de deux dollars par jour. Le pays est marqué par un chômage et une corruption endémiques.
Au Bahreïn, petit pays du golfe persique, la place de la Perle voit des opposants au régime se mobiliser. Ils ont été sévèrement réprimés par les forces anti-émeutes. Gaz lacrymogènes, balles en caoutchouc voire à fragmentation, les manifestants sont dispersés par la force.
Mais les jeunes présents ne désespèrent pas. Leur objectif ? Imiter Tunisiens et Égyptiens… Ils ont d’ailleurs déjà rebaptisé leur place principale place Tahrir. Mais l’histoire ne dit pas si le destin sera aussi pharaonique…